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L’initiative “Timbuktoo”, un tremplin pour les start-ups africaines ?

26 janvier 2024

Analyse

D'après le rapport annuel de Partech Africa, les start-up africaines ont levé 3,5 milliards de dollars l'année dernière, soit 46 % de moins qu'en 2022.

À propos

Wiam Koubia est analyste chez Concerto. Spécialisée sur l’Afrique et le Moyen Orient, Wiam se focalise sur les questions géopolitiques dans la région. Contactez Wiam à son adresse mail, wk@concerto-pr.com, afin d’obtenir plus d'informations sur le sujet, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner.
QUICK INSIGHTS D'après le rapport annuel de Partech Africa, les start-up africaines ont levé 3,5 milliards de dollars l'année dernière, soit 46 % de moins qu'en 2022. Face à cette baisse des levées de fonds, l’initiative “Timbuktoo”, lancée lors du forum économique mondial de Davos qui s’est tenu du 15 au 19 janvier, s’est fixée pour objectif de relancer le développement des start-ups sur le continent. 
  • Le PNUD a lancé l'initiative "Timbuktoo" en collaboration avec les présidents du Rwanda et du Ghana, ainsi que le Secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine. 
  • L'initiative Timbuktoo ambitionne de devenir la plus grande facilité de financement au monde, rassemblant 1 milliard de capitaux commerciaux qui permettraient de soutenir de manière significative l'écosystème des start-ups africaines.
  • Le président Paul Kagame a annoncé un engagement financier immédiat de 3 millions de dollars pour démarrer le Fonds d'innovation africain de Timbuktoo, qui sera hébergé à Kigali.

Partir d’un constat : 80 % des start-ups africaines rencontrent des difficultés de financement

Le boom des start-ups africaines serait-il illusoire ? La mise en place de l’initiative Timbuktoo part du constat d’un manque accru de moyens mis à disposition des start-ups africaines. Si la forte présence médiatique de figures entrepreneuriales du continent semble peindre l’image d’un écosystème florissant, les difficultés financières rencontrées par nombre d’entrepreneurs viennent assombrir le tableau de l’auto achievement à l'africaine. En 2022, la Société financière internationale (IFC), a déclaré que 80 % des startups africaines rencontrent des problèmes de financement. Or, les options de financement alternatives (Crowdfunding, Business Angels, etc) demeurent limitées sur le continent et ne concernent que peu de projets. L'année 2023 avait ainsi vu un déclin dans les investissements à risque en Afrique, environ 83 % du capital-risque en Afrique provenant de l’extérieur du continent, et allant principalement vers un nombre restreint de pays comme le Nigeria, le Kenya, l’Afrique du Sud ou encore l’Égypte, où l’industrie fintech représenterait environ 60 % du total des industries.  

L’Initiative “Timbuktoo” : catalyseur annoncé pour le développement des start-ups africaines

1 milliard de dollars pour les  start-ups africaines Au travers d’un investissement d’1 milliard de dollars “Timbuktoo” ambitionne de générer 10 millions de nouveaux emplois sur le continent. La conception innovante de l’initiative tient principalement au fait qu’elle combine à la fois des capitaux commerciaux et des capitaux catalytiques (financements publics ou philanthropiques) et ce, dans le but de réduire les risques des investissements privés. À rebours des incubateurs ou fonds de soutien aux start-ups déjà présents sur le continent, l’initiative Timbuktoo propose un accompagnement complet des entrepreneurs dans leur création d’entreprise. C’est d’ailleurs à ce niveau qu’elle souhaite se distinguer d’autres projets de soutien aux start-ups, à l’instar du Fond Tide Africa II de TLCOM financé par la Banque Africaine de Développement. L’ensemble des hubs mis en place proposent ainsi à la fois une structure d'accompagnement, un incubateur de start-ups et un fonds de capital-risque. Là aussi, Timbuktoo innove puisque chaque Hub est géré de manière indépendante et se concentre sur un seul secteur vertical. Par exemple, elle propose un hub de Fintech au Nigeria, de Healthtech au Rwanda, de Greentech au Kenya, et d’industries créatives en Afrique du Sud.  

Assurer l’accompagnement et l’accélération des start-ups face à un manque de soutien gouvernemental

L’initiative Timbuktoo peut-elle répondre aux obstacles  administratifs à la création de start-ups ? Le manque d'incubateurs, d'accélérateurs, d’espaces de coworking ressort comme un handicap à la croissance des start-ups africaines. Bien que se développant progressivement à travers le continent, ces initiatives (La Digital Factory au Maroc ou encore le Lab Innovation à Dakar) demeurent insuffisantes face à une demande croissante de la part des entrepreneurs. De fait, les University Innovation Pods (Unipods) constituent des espaces d'innovation, d'expérimentation et d'apprentissage accéléré visant à encourager l’entreprenariat au sein des universités africaines. Ces capsules permettraient de doter les étudiants en outils et conseils nécessaires à l’élaboration de leurs projet entrepreneuriaux, les accompagnant ainsi vers la structuration de leur start-ups. Cependant, cette approche soulève des questionnements, notamment en ce qui concerne la viabilité de cette collaboration multi-acteurs entre secteur public et privé. L'initiative Timbuktoo devra déployer des efforts pour convaincre de la plus-value économique d’un soutien aux jeunes entreprises. Comment envisage-t-elle de surmonter ces défis et de s'assurer d'un appui gouvernemental, dans un contexte mondial où la valeur des startups africaines ne représente que 0,2 %, chiffre nettement en décalage avec le potentiel du continent en matière d’innovation. L'initiative Timbuktoo viendrait, de fait, impulser les idées novatrices dores et déjà présentes en grand nombre sur le continent. Pour le Forum de Davos 2023 la promesse est tenue, le soutien aux jeunes pousses du continent participant nécessairement à “reconstruire la confiance”, thème central du forum cette année.