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Les énergies renouvelables en Afrique : enjeux et perspectives

1 juillet 2022

Analyse

L’International Energy Agency vient de publier son Africa Energy Outlook 2022, soulignant les enjeux de la transformation du secteur énergétique africain. D'ici à 2030, les énergies renouvelables pourraient représenter jusqu'à 67 % de la production d'électricité en Afrique subsaharienne. Près d'un quart des besoins énergétiques de l’Afrique pourrait ainsi être satisfait par l'utilisation d'énergies propres et renouvelables. Ces chiffres sont-ils atteignables  ?

Les enjeux énergétiques en Afrique

Le continent africain bénéficie de l’un des plus grands potentiels de production d’énergies renouvelables au monde, avec une capacité estimée à 10 térawatts (TW). La capacité solaire pourrait passer de 15 à 62 gigawatts (GW) d’ici à 2030 tandis que celles de l’hydroélectrique, de l’éolien et de la géothermie sont respectivement estimées à 350 GW, 110 GW et 15 GW. Si ce potentiel est pleinement exploité, près de 600 millions d'Africains supplémentaires pourraient avoir accès à l'électricité d'ici à 2030, avec des effets directs sur le marché de la consommation. A titre d’exemple, le nombre de foyers équipés de réfrigérateurs passerait de 80 millions à 200 millions. Face à ces enjeux, plusieurs pays africains ont déployé ces dernières années d’importantes stratégies de promotion des énergies renouvelables, encouragés par les injonctions d’une Europe en pleine transition énergétique.

La mise en place de cadres réglementaires nationaux

Ces dernières années, les réformes incitant les investissements dans les énergies renouvelables se sont multipliées. Le Ghana a introduit en 2016 le Renewable Energy Master Plan destiné à augmenter la capacité d'énergie renouvelable du pays jusqu'à 1 364 MW d'ici à 2030. Le Rwanda a adapté en 2016 le cadre juridique pour faciliter les partenariats publics-privés dans le domaine des énergies renouvelables, tandis que l’Afrique du Sud, à travers son Renewable Energy Independent Power Producer Program prévoit l'installation de centrales solaires d'une puissance de 8,2 GW en 2030. Le Kenya a également adopté plusieurs textes de lois en 2019 destinés à réguler la mobilisation des fonds nécessaires au développement des énergies renouvelables. Ces pays ont notamment profité de la réduction des coûts de production et de stockage de l’énergie. À ce titre, Bloomberg Energy Finance prévoit pour les cinq prochaines années une baisse de 40 % des prix des batteries lithium-ion, qui représentent une part importante dans le coût de stockage nécessaire à la pénétration des énergies renouvelables intermittentes.  

Le rôle du secteur privé africain dans les énergies renouvelables

En parallèle, on assiste à une montée en puissance du secteur privé dans la promotion des énergies renouvelables en Afrique, qui se saisit progressivement des opportunités facilitées par un cadre réglementaire incitatif. Ces investisseurs privés sont régulièrement soutenus par les États, les banques et organisations européennes, qui ont investi dans plusieurs grands projets solaires et hydroélectriques ces dernières années. Financé par Norfund et British Investment International, Globeleq Generation Limited a annoncé en novembre 2019 la construction de 6 projets éoliens, dans un contexte de surendettement de l'entreprise nationale d'électricité Eskom. Le fond d’investissement panafricain Africa50 a également signé en janvier 2022 un protocole d’accord avec le gouvernement kényan pour le développement du premier projet PPP de transport d’électricité d’Afrique tandis que la compagnie camerounaise, Nachtigal Hydro Power Company, développe depuis plusieurs années le barrage hydroélectrique de Nachtigal, qui devrait couvrir un tiers des besoins énergétiques du pays.  

La recherche d’un modèle adapté à l’Afrique

Bien que la part du renouvelable dans la consommation énergétique en Afrique soit estimée à 2%, le potentiel encore sous-exploité des énergies renouvelables en Afrique laisse présager d’importantes évolutions dans le secteur. Le continent devrait néanmoins surmonter plusieurs enjeux de taille, aux premiers rangs desquels l’accès aux financements, les mécanismes de garantie permettant de limiter les risques, ainsi que la difficile mise en place d’un cadre réglementaire stable et propice aux investissements. À terme, la diversification des ressources énergétiques permettra de mieux satisfaire les besoins énergétiques de l’Afrique de manière durable et soutenable, dans un contexte de volatilité des prix de combustibles fossiles et de dépendances des importations énergétiques extérieures. Pour y parvenir, la capacité électrique de l'Afrique devrait doubler d'ici à 2030, passant de 260 GW à 510 GW. Les deux tiers de cette capacité seraient renouvelables, principalement grâce à de nouvelles infrastructures hydroélectriques, mais aussi à des projets solaires et éoliens. Si ce processus de diversification électrique est estimé à plus de 25 milliards de dollars par an, soit un peu plus de 6% du PIB du continent, il permettrait à l’Afrique de voir son PIB doubler d’ici à 2030 et deviendrait, plus largement, un catalyseur de développement socio-économique unique pour le continent.