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Suppression des visas pour tous les citoyens africains : le Rwanda, un exemple à suivre ?

15 novembre 2023

Analyse

La suppression des visas pour tous les citoyens africains par le Rwanda en a fait le quatrième pays africain à adopter la libre circulation de voyageurs. Souvent précurseur ces dernières années, l’exemple rwandais va-t-il essaimer sur le continent ?

À propos

David Bouderballa est consultant senior chez Concerto, basé à Paris. Il conseille nos clients sur leurs enjeux de relations publiques, de communication, et d’intelligence économique. Contactez David à son adresse mail, db@concerto-pr.com, afin d’obtenir plus d'informations sur le sujet, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner.
QUICK INSIGHT À l’occasion d’un discours à Kigali, le 2 novembre, Paul Kagamé a réitéré la suppression par le Rwanda des visas pour tous les citoyens africains, à l’instar du Bénin, des Seychelles et de la Gambie. La mesure, visant notamment à stimuler l’économie nationale grâce au tourisme et à l'investissement, se veut une étape importante vers l'intégration africaine, dans la continuité du protocole sur la libre circulation des personnes signé par l'Union africaine en 2018. Au cours de son intervention, le Président du Rwanda a, d’ailleurs plaidé, pour une "destination touristique unifiée" en Afrique, au sein de laquelle les touristes pourraient se déplacer librement, quel que soit le pays ou la région.  

Le Rwanda, État précurseur pour le continent ?

Le Rwanda est souvent considéré comme une force motrice, initiatrice de politiques innovantes et avant-gardistes en Afrique : parmi les premiers pays à interdire les plastiques à usage unique (2008), à créer une banque verte (Ireme Invest), mais également point chaud de l’économie numérique (lancement en 2021 du Rwanda Innovation Fund). Selon l'Indice mondial de l'innovation 2022, il est le pays à faible revenu le plus innovant au monde et fait donc figure de précurseur dans de nombreux domaines. Qu’en est-il du tourisme ? Dans ce cadre, le gouvernement mène une stratégie de communication mondiale agressive et très efficace. En 2018, le pays a signé un accord pluriannuel de 30 millions de livres sterling avec le club de football Arsenal. Les experts estiment que ce partenariat aura généré jusqu'à 300 millions de livres sterling. Les recettes touristiques rwandaises ont, quant à elles, augmenté de 16,25 % pour atteindre 498 millions de dollars entre 2018 et 2019.  

Le potentiel économique d’un marché touristique continental

Selon le Rapport sur la richesse en Afrique 2023 d’Henley & Partners, la population de millionnaires en Afrique devrait augmenter de 42 % d’ici 2032. Ces chiffres, qui font apparaître un nivellement par le haut des sociétés africaines, encouragent à miser sur une plus grande mobilité continentale. Les pays faisant le pari de créer des conditions favorables au tourisme seront alors les premiers à en bénéficier. Selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme, l'Afrique pourrait ainsi générer 168 milliards de dollars de revenus et créer plus de 18 millions d'emplois grâce à ce secteur. Encore faut-il pour cela qu’elle résolve les problèmes de son industrie du tourisme, parmi lesquels les difficultés liées aux visas.  

Un mouvement d’ouverture qui fait encore l’objet de doutes

Cette volonté de faciliter la visite du Rwanda aux voyageurs africains a été amplifiée par le Covid-19, période durant laquelle de nombreux pays africains ont été amenés à se concentrer sur les marchés locaux et régionaux pour compenser le manque de voyageurs internationaux. S’étant également tourné vers les voyageurs d'Afrique de l'Est pendant la pandémie, le Kenya s'est d’ailleurs engagé, dans le même sillon que le Rwanda, à supprimer les visas pour tous les voyageurs africains d'ici la fin de l'année. Cependant, en dépit de la signature par la plupart des pays africains du protocole sur la libre circulation des personnes mandaté par l'Union africaine en 2018, nombre d’entre eux hésitent à s’engager dans cette dynamique. En cause, la crainte qu’un mouvement plus large d’ouverture de frontières entraîne une arrivée massive d'étrangers susceptibles de priver les habitants d'emplois. Les autorités redoutent également que des systèmes inadéquats d'enregistrement des citoyens et de documentation d'identité favorisent les mouvements criminels et terroristes. Si ces craintes sont légitimes, les avantages économiques, bien documentés, de la libre circulation de voyageurs devraient inciter d’autres pays à suivre l’exemple du Rwanda.