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Investissements en Afrique : analyse d’une croissance record 

4 octobre 2022

Analyse

Au niveau mondial, le récent rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), indique une forte augmentation des investissements directs étrangers en 2021. Ils ont atteint 1580 milliards de dollars, soit une augmentation annuelle de 64%. Dépassant cette tendance mondiale, les flux d’IDE en Afrique ont connu une augmentation de 113%, pour une valeur de 83 milliards de dollars. Outre les nombreuses fusions et acquisitions transfrontalières, l’accélération de la numérisation et des investissements liés à la transition énergétique sont à l’origine de cette croissance. Si l'Afrique reste la région la moins intégrée au monde en matière de flux d'IDE, l'essor des projets d'énergie renouvelable et de la numérisation offre des perspectives prometteuses.

Afrique australe et Afrique de l’Ouest : destinations privilégiées des investisseurs

L’Afrique du Sud a propulsé les flux d’IDE du continent, notamment grâce à l’échange d’actions entre les compagnies Naspers et Prosus au dernier trimestre de 2021. Le pays a aussi été la principale destination des investissements étrangers avec près de 40,889 milliards de dollars, soit près de la moitié des investissements sur le continent. L’Afrique de l’Ouest a été la seconde région la plus attractive, avec une croissance de ses flux d’IDE de 48%. Le Nigeria et le Ghana ont été les deux principaux moteurs de cette progression, grâce à des investissements ciblant le secteur extractif, le gaz et le pétrole pour le premier et l’or pour le second. L’Afrique de l’Est, troisième région la plus dynamique, a quant à elle connu une augmentation de 35%, dont près de la moitié destinée à l’Éthiopie, plaque tournante centrale de l'initiative chinoise "Belt and Road". En Afrique centrale, les flux d’IDE ont été relativement stables par rapport à 2020, hormis quelques exceptions comme la République Démocratique du Congo qui a profité d’une hausse des investissements (+14%) dans les secteurs pétrolier et minier. En Afrique du Nord, malgré une baisse de 5% pour la région, l’Égypte conserve sa place de deuxième “champion” africain des IDE, avec près de 5,122 milliards de dollars investis essentiellement dans des projets greenfield.

Les secteurs porteurs de croissance

La transition énergétique a été l’un des moteurs majeurs des nouveaux projets. Les efforts des gouvernements africains pour atteindre les objectifs de développement durable inscrits dans l’agenda 2063 ont accéléré des investissements massifs dans l’hydraulique, le solaire, ainsi que le nouvel “or vert”, l’hydrogène. L’entreprise australienne CWP Renewables a par exemple annoncé un investissement de 40 milliards de dollars dans le projet mauritanien “AMAN”, qui devrait produire, à terme, 1.7 million de tonnes d’hydrogène vert par an. Le secteur numérique connaît aussi une véritable révolution à la suite de la crise sanitaire. De nombreux projets ont été annoncés, notamment en Afrique du Sud, au Kenya, au Nigeria et en Égypte. En Afrique du Sud, le spécialiste américain des centres de données, Vantage Data Centers, a par exemple annoncé investir un milliard de dollars dans la construction du plus grand campus de centres de données d’Afrique. Située à Johannesburg, l’installation devrait fournir une capacité de stockage informatique de 80 MW. En outre, en avril 2022, le Kenya a dévoilé son plan directeur pour le développement de l’industrie numérique nationale sur les dix prochaines années (2022-2032). Celui-ci s’inscrit dans la continuité de la stratégie de 2014-2017 et vise à multiplier les investissements dans le secteur numérique. Le secteur extractif continue d’attirer les investisseurs en Afrique. Un nombre considérable de projets ont été recensés en 2021, particulièrement au Ghana avec l’investissement de 850 millions de dollars dans une mine d’or dans le nord de la région d’Ahafo au Ghana par l’entreprise minière américaine Newmont Corp et la construction d’une usine de ciment par Ciment d’Afrique (CIMAF) pour une valeur de 436 millions de dollars. Plus récemment, en février 2022, le groupe Total a annoncé investir 10 milliards de dollars dans un projet d’oléoduc en Ouganda.  

Quelles perspectives ?

Malgré le resserrement des politiques monétaires répondant à la pression inflationniste et aux risques géopolitiques accrus, les prévisions de croissance des investissements en Afrique sont optimistes. Cela est principalement dû à la nature asymétrique du choc des prix des matières premières qui profite aux plus grands exportateurs de pétrole, notamment l’Algérie et le Nigeria. Par ailleurs, la guerre en Ukraine a eu pour conséquence un regain d’intérêt pour le secteur gazier en Afrique, en raison de la nécessité pour les pays occidentaux de trouver une alternative aux hydrocarbures russes. En parallèle, les efforts menés par l’Occident pour accélérer sa transition énergétique devraient accroître les investissements dans les métaux rares. Enfin, l’augmentation des investissements dans les start-up africaines devrait se poursuivre en 2023. Ils avaient atteint cinq milliards de dollars en 2021, le triple de leur valeur en 2020. Ce record pourrait être atteint ou dépassé d'ici à la fin 2022, avec plus de 2,3 milliards levés dès le mois de juin. Ces chiffres sont de bon augure pour 2023, qui devrait être marquée par une amélioration des conditions fiscales et un meilleur climat des affaires. À propos Carine Gazier est project consultant chez Concerto, elle est spécialisée sur les questions politico-économiques et le secteur de l'énergie en Afrique. Pour plus d'informations et d'analyses, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner, veuillez contacter insights@concerto-pr.com.