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Déjeuner avec Mme Ngozi Okonjo-Iweala, Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce : 4 points à retenir

10 février 2022

Analyse

Nous avons eu l’honneur de recevoir Mme Ngozi Okonjo-Iweala, Directrice générale de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), à l’occasion d’un déjeuner exclusif le vendredi 28 janvier 2022 à Paris, organisé en collaboration avec Jeune Afrique Media Group. Profitant du cadre du Cercle de l’Interalliée, nos invités ont eu l’occasion d’échanger avec l’ancienne ministre nigériane des Finances, qui a été nommée à la tête de l’OMC en mars 2021. Ce déjeuner a donné lieu à des échanges passionnants sur des sujets d’actualité variés et nécessaires à une meilleure compréhension des enjeux du commerce international.

Les mérites du commerce international

Dans un monde post-Davos où les fondements mêmes du commerce international peuvent être questionnés, la directrice générale a rappelé les mérites des échanges commerciaux, qui doivent être considérés comme un élément clé de la solution aux enjeux du XXIe siècle. Les échanges commerciaux sont d’autant plus nécessaires qu’ils permettent de lutter contre la pauvreté. Entre 1980 et 2020, le commerce international a permis de réduire le taux de pauvreté de 30 points dans le monde. L’OMC ambitionne d’accélérer cette dynamique, en mettant en œuvre davantage d’accords commerciaux pour relancer les chaînes d’approvisionnement et transformer leurs modèles : « C’est ce que j’appelle la reglobalisation. La crise des chaînes logistiques est une opportunité pour diversifier les pays manufacturiers qui étaient marginalisés. » Mme Ngozi Okonjo-Iweala a conclu en soulignant que l’OMC s’attache encore à évaluer si la crise que traversent les chaînes logistiques mondiales est davantage conjoncturelle ou structurelle. Dans les deux cas, ce phénomène risque de fragiliser le transport maritime des pays les plus pauvres.  

L’AfCFTA est sur la bonne voie

Alors que les membres de l’AfCFTA se sont mis d’accord le 29 janvier dernier sur ses règles originelles, la mise en œuvre de cette zone de libre-échange a occupé une place importante lors de notre déjeuner. La Directrice générale a partagé son enthousiasme concernant cette nouvelle opportunité pour le continent africain, qui en tirera des bénéfices considérables. Elle a également rappelé que l’AfCFTA seule ne suffira pas pour promouvoir le commerce intra-continental, considérant « qu'il est urgent de bâtir davantage d’infrastructures transfrontalières sur le continent. Il est parfois plus coûteux d’importer certaines marchandises entre pays africains que depuis la Chine ».  

Un juste équilibre entre les subventions publiques et la régulation du libéralisme économique

L’épineuse question des subventions publiques a ensuite été abordée. En temps de crise, les gouvernements ont tendance à subventionner les entreprises nationales, même si cela va à l’encontre du libéralisme économique largement préconisé aujourd’hui. Mme Ngozi Okonjo-Iweala a expliqué que les subventions publiques peuvent être bénéfiques, tant qu’elles respectent les réglementations de l’OMC : « Un nombre croissant de pays sont de plus en plus interventionnistes. Il semble que les politiques sectorielles soient de retour. Mais nous devrions faire extrêmement attention à ce que celles-ci ne violent pas les règles de l’OMC. » La directrice générale a illustré son propos à travers son expérience personnelle en tant qu’ancienne ministre des Finances au Nigeria, où elle a dû subventionner plusieurs entreprises en période de crise.  

Le rôle de médiation de l’OMC

Mme Ngozi Okonjo-Iweala a également détaillé la guerre commerciale entre les États-Unis, la Chine et l’Europe ainsi que le rôle de médiateur que joue l’OMC au quotidien. La concurrence internationale stratégique s’étant intensifiée ces dernières années,  le secteur de la pêche reflète plus particulièrement ces tensions commerciales croissantes. Afin de contrer cette dynamique, l’OMC est un ardent défenseur de la coopération stratégique internationale : « Nous avons besoin de confiance pour mettre en place des mesures. Aucun accord ne devrait prendre 20 ans, c’est trop long. Soit un accord est trouvé pour le bien des populations, soit il ne l’est pas. »  La Directrice générale a ensuite souligné la nécessité d’instaurer une relation de confiance pour promouvoir les échanges commerciaux et les accords : « La seule chose qui permettra de lever les principaux obstacles, c’est la confiance. Il y a beaucoup de méfiance entre les membres de l’OMC, entre pays développés et pays en développement. Conclure un accord négocié est extrêmement difficile. Tant qu’il y a de la méfiance, il est difficile de parvenir à un accord. »