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Compact with Africa: quel bilan après six ans ?

7 décembre 2023

Analyse

Depuis sa création en 2017 à l'initiative de l’Allemagne, CwA a-t-il atteint son objectif de booster les investissements et prend-elle suffisamment en compte les intérêts de l'Afrique ?

À propos

Carine Gazier est project consultant chez Concerto, elle est spécialisée sur les questions politico-économiques et le secteur de l'énergie en Afrique. Contactez Carine sur son adresse mail cg@concerto-pr.com, afin d’obtenir plus d’informations sur le sujet, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner.
QUICK INSIGHTS Organisée à Berlin le 20 novembre 2023, la 5ᵉ édition de Compact with Africa (CwA), conférence promouvant l'investissement en Afrique, a réuni 800 participants, et des dirigeants de plus d'une douzaine de pays africains. Si cet outil de coopération continue de gagner du terrain sur le continent, il est loin de faire l'unanimité. Depuis sa création en 2017 à l'initiative de l’Allemagne, CwA a-t-il atteint son objectif de booster les investissements et prend-elle suffisamment en compte les intérêts de l'Afrique ?
  • Après six ans d'existence, la CwA peine à initier la vague d’investissements promise aux États membres.
  • Malgré l’ambition initiale, l’agenda de la CwA est d’abord guidé par les besoins européens plutôt que par les intérêts des populations africaines.
  • Les investissements dans l’hydrogène vert sont au cœur des objectifs de CwA, mais il reste à relever le défi de renforcer la confiance des investisseurs.
 

Priorité donnée aux besoins de l’Europe

L'approche du CwA se veut différente des approches occidentales précédentes qui se caractérisent par l'introduction de conditionnalités exigeantes, notamment en termes de réformes politiques. Le compact prévoit que les gouvernements africains identifient eux-mêmes les mesures politiques qu'ils souhaitent prendre pour stimuler l'investissement. Cette approche a été adoptée pour éviter toute accusation de paternalisme, mieux concurrencer la Chine, mais aussi pour créer une plateforme de collaboration Europe-Afrique dans laquelle les Africains auraient un réel pouvoir de décision. Si le CwA a des retombées positives pour le continent africain, il n'en reste pas moins aussi un outil politique et économique européen pour les Européens, en particulier les Allemands. En effet, sa création en 2017 était largement motivée par la recherche de solutions pour réduire l'immigration. Aujourd'hui, depuis la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine, il est guidé par la nécessité de diversifier les partenaires et les fournisseurs d'énergie.  

Un bilan mitigé après six ans d’existence

Aujourd'hui, le CwA regroupe 13 pays africains et vise à améliorer les conditions économiques dans les pays africains membres afin d'augmenter les flux d'investissements privés étrangers, en particulier des pays du G20. L'initiative, qui en est à sa sixième année, a attiré de nouveaux pays africains, dont l'Angola, le Kenya, le Nigeria et la Zambie, qui ont participé à la conférence de 2023 en tant qu'invités. Les éditions précédentes du CwA ont vu l'émergence d'un certain nombre d'initiatives, dont en 2018 la création par l'Allemagne d'un fonds destiné à fournir des prêts et des fonds propres aux PME européennes souhaitant investir en Afrique, ainsi que des fonds propres pour les PME africaines. Cette année, c'est encore l'Allemagne qui a ouvert le bal, avec l'annonce par le chancelier allemand Olaf Scholz d'un investissement de 4 milliards d'euros dans des projets verts entre 2023 et 2030, dans le cadre de l'initiative UE-Afrique pour l'énergie verte. L'Union Européenne a annoncé qu'elle contribuerait à l'initiative à hauteur de 3,4 milliards d'euros sous forme de subventions. Aujourd'hui, le CwA semble être davantage un outil de la diplomatie économique de l'Allemagne en Afrique. Après six ans d'existence, la question est de savoir quel est l'impact de ces initiatives sur le continent. Le rapport sur l'investissement dans le monde 2023 du CNUCED montre qu'au cours des cinq dernières années, les flux d'IDE vers l'Afrique sont restés relativement stables, passant de 40 358 millions de dollars en 2017 à 44 929 millions de dollars en 2023. Si les pays africains membres du CwA affichent des chiffres relativement plus positifs, il est difficile de l'imputer à l’initiative. La même tendance à la stagnation des investissements peut être observée en Allemagne, pays moteur du CwA, avec à peine 1 % du total de ses investissements dirigés vers le continent africain. Si cette situation est due aux chocs extérieurs de ces dernières années, elle est également liée au manque de confiance et à la réticence des investisseurs européens, notamment allemands, à investir en Afrique.  

Quelles perspectives ?

La majorité des promesses d'investissement faites au cours de la conférence se sont concentrées sur l'énergie, et en particulier sur l'hydrogène vert, une ressource dont l'Allemagne aura particulièrement besoin si elle veut atteindre son objectif de zéro émission nette d'ici à 2045. Le leader européen a également conclu un pacte sur les énergies renouvelables et un accord sur les exportations de gaz avec le Nigeria, pour une valeur de 500 millions de dollars. Les questions d'industrialisation, de création d'emplois, d'éducation et d'infrastructures, si essentielles pour le continent, semblent avoir été reléguées au second plan. Pour gagner en efficacité, le CwA devra sans doute aligner davanatage son agenda sur les stratégies de développement des pays africains membres, afin de créer de meilleures synergies qui pourront bénéficier plus directement et rapidement aux populations. Enfin, le CwA reste confronté à un défi majeur, celui de renforcer la confiance des investisseurs. L’initiative aura certainement besoin de plus de temps pour prouver sa valeur ajoutée par rapport à d'autres forums de collaboration entre l'Afrique et l'Europe. À l’échelle globale, le CwA est également de moindre importance, notamment concernant l'investissement dans le secteur de l'énergie. À titre d’exemple, dans le cadre de la COP28, organisée à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, les Émirats arabes unis ont annoncé la création d'Altérra, un fonds privé qui vise à mobiliser 250 milliards de dollars d'ici à 2030 pour soutenir l'action climatique dans les pays du Sud.