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80ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies : quels enjeux pour l’Afrique?

19 septembre 2025

Analyse

Les dirigeants de la planète se réuniront à New York au cours de la semaine du 22 septembre à l’occasion de la 80ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, articulée autour du thème « Mieux ensemble : plus de 80 ans au service de la paix, du développement et des droits humains ».
Ce rendez-vous annuel intervient dans un contexte d’intensification des tensions géopolitiques, de remise en cause grandissante du multilatéralisme et de multiplication des chocs économiques et climatiques. Il constitue pour les pays africains une opportunité stratégique de mettre en valeur leur rôle moteur sur la scène internationale, en particulier dans la conduite de l’agenda climatique. Dans un contexte de réduction des budgets alloués à l’aide publique au développement, les dirigeants africains devraient se saisir de cette occasion pour rappeler l’urgence des besoins de financement du continent et plaider en faveur de solutions novatrices. Face à un environnement international complexe et en constante mutation, l’Afrique pourrait être appelée à réaffirmer son attachement indéfectible au multilatéralisme, tout en défendant une intégration renforcée au sein des Nations Unies, de même qu’un ordre international plus inclusif.  

À propos

Nathan Dérédec est Consultant chez Concerto. Il est spécialisé sur les questions d’intelligence économique ainsi que sur les enjeux politico-économiques en Afrique. Contactez Nathan à nd@concerto-pr.com pour en savoir plus.
QUICK INSIGHTS
  • Face à l’aggravation de la crise climatique, l’Afrique aspire à être reconnue comme un partenaire porteur de solutions pour relever les défis mondiaux, et pas seulement comme une région vulnérable.
  • Le recul global de l’aide au développement, qui affecte particulièrement l’Afrique, incite les pays du continent à renforcer la mobilisation de leurs ressources domestiques, à approfondir leur collaboration avec le secteur privé et à nouer de nouveaux partenariats.
  • Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, l’Afrique continue de plaider en faveur du multilatéralisme et renouvelle ses appels pour une représentation plus équitable au sein des instances décisionnelles des Nations Unies.

Consolider la place de l’Afrique comme acteur majeur de l’action climatique mondiale

À l’approche du dixième anniversaire de l’Accord de Paris, la question environnementale devrait occuper une place centrale à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU). Alors même que l’objectif de limitation du réchauffement climatique en deçà du seuil de 1,5°C paraît de plus en plus difficile à atteindre, l’Afrique s’impose aujourd’hui comme un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique. Deux mois avant la COP30, le deuxième Sommet africain sur le climat, organisé début septembre 2025 en Éthiopie, a permis au continent d’affirmer son rôle moteur dans le dialogue climatique mondial. Cet événement s’inscrit dans la continuité du premier Sommet africain sur le climat, organisé à Nairobi en 2023. Adoptée à l’issue du sommet, la Déclaration d’Addis-Abeba se veut révélatrice de l’alignement panafricain sur la question climatique. Celle-ci a en effet tracé une feuille de route claire, appelant la communauté internationale à accroître les financements destinés à répondre aux besoins d’investissement de l’Afrique dans les énergies vertes, tout en reconnaissant la contribution du continent comme moteur d’initiatives durables. L’Afrique ambitionne notamment de mobiliser 50 milliards de dollars par an en financements catalytiques pour l’action climatique. Les dirigeants africains ont également souligné l’importance d’accroître la part du continent dans les investissements mondiaux en énergies renouvelables, en la faisant passer de 2% à 20% d’ici 2030, afin de refléter son potentiel comme pôle majeur des énergies propres. Les pays africains devraient réaffirmer ces objectifs à l’AGNU, en présentant une position unifiée sur les enjeux climatiques et en œuvrant à la concrétisation des engagements pris à Addis-Abeba.

Relever les défis liés à la contraction de l’aide au développement

Alors que plusieurs grands donateurs – notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne – ont annoncé des réductions de leurs budgets d’aide publique au développement (APD), l’Afrique est confrontée à une réduction substantielle de son soutien financier. Selon l’OCDE, l’APD bilatérale à destination de l’Afrique subsaharienne devrait diminuer de 16-28% en 2025 par rapport à 2023, avec une contraction supplémentaire attendue en 2026 et 2027, et ce malgré des besoins croissants liés à la persistance des conflits et des chocs climatiques. Compte tenu de la forte dépendance de nombreux pays africains à l’aide au développement, le continent – qui a reçu 73,6 milliards de dollars d’APD en 2023 – figure parmi les régions les plus affectées par cette chute historique. D’après le Center for Global Development, l’Éthiopie (baisse de 1,1 milliard de dollars par rapport à 2023, soit 35%), la République démocratique du Congo (baisse de 814 millions  de dollars, soit 41%) et la Somalie (baisse de 671 millions  de dollars, soit 37%) devraient figurer parmi les pays les plus touchés par la réduction de l’APD en 2026. En raison du caractère imprévisible de l’APD, les dirigeants africains pourraient s’orienter davantage vers le financement privé afin de consolider la résilience et la pérennité des ressources dédiées au développement. En parallèle, le continent pourrait renforcer la mobilisation accrue de ses ressources domestiques, conformément aux recommandations de Cristina Duarte, conseillère spéciale pour l’Afrique auprès du Secrétaire général des Nations Unies. Toutefois, en 2022, le ratio moyen impôts/PIB en Afrique ne s’élevait qu’à 16%, contre une moyenne de 34% pour les pays de l’OCDE, restreignant la fenêtre budgétaire du continent et limitant sa capacité à répondre efficacement aux chocs.  

Positionner l’Afrique comme un pilier de stabilité dans un multilatéralisme en crise

Dans un contexte marqué par la multiplication des défis pesant sur le multilatéralisme, l’Afrique a constamment réaffirmé – en particulier lors des sessions successives de l’Assemblée générale – son attachement ferme au système des Nations Unies. Le continent continue de s’appuyer sur l’ONU pour promouvoir la paix et la sécurité, tout en soutenant pleinement la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD). Dans cette période de transition et de recomposition de l’ordre mondial, l’Afrique se positionne comme un pilier de stabilité et entend jouer un rôle constructif dans l’émergence d’un ordre international plus équilibré et plus inclusif. Bien que le Groupe africain constitue le plus grand bloc régional au sein de l’ONU, avec 54 États membres, le continent demeure insuffisamment représenté dans le système international. Les pays africains plaident pour une influence accrue au sein des instances onusiennes, notamment par l’obtention d’au moins deux sièges permanents au Conseil de sécurité – une revendication appuyée par plusieurs partenaires internationaux tels que la Chine, l’Inde et les États-Unis. Une telle réforme du système multilatéral, priorité essentielle pour l’Afrique, permettrait d’aligner plus étroitement les cadres mondiaux sur ses intérêts et ses perspectives. Elle contribuerait également à renforcer le rôle du continent dans la gouvernance internationale et à approfondir la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, en particulier l’Union africaine, un enjeu crucial face aux défis sécuritaires, climatiques et économiques croissants.