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L’Afrique a-t-elle quelque chose à gagner d’un partenariat énergétique avec l’Italie ?

1 février 2024

President William Ruto attending the Plenary session of the Italy-Africa summit in Rome, Italy on January 29, 2024. Image: PCS

Analyse

Organisé les 28 et 29 janvier 2024 à Rome, le Sommet Italie-Afrique a réuni les représentants de plus de 25 pays du continent.

À propos

Sarah Touron est project consultant chez Concerto, elle est spécialisée sur les questions politiques en Afrique et au Moyen-Orient. Contactez Sarah sur son adresse mail st@concerto-pr.com afin d’obtenir plus d’informations sur le sujet, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner.
QUICK INSIGHTS Organisé les 28 et 29 janvier 2024 à Rome, le Sommet Italie-Afrique a réuni les représentants de plus de 25 pays du continent. L'objectif ? Mettre en œuvre un programme de coopération axé sur les enjeux énergétiques et migratoires et donner une nouvelle impulsion aux relations italo-africaines. La guerre russo-ukrainienne ayant remodelé la carte énergétique mondiale, l’Italie a tout à gagner d’un partenariat énergétique avec l’Afrique. Reste à déterminer s’il y a une réciprocité des bénéfices potentiels pour le continent africain. 
  • La première édition du Sommet Italie Afrique pourrait resculpter le paysage énergétique mondial en positionnant l’Italie au centre d’un nouvel axe stratégique par lequel transiteraient les ressources énergétiques africaines.
  • La collaboration italo-africaine a été plus que renforcée au cours de la dernière décennie reflétant l’existence d’une coopération stratégique sur le long terme.
  • Si cette nouvelle géopolitique énergétique octroie au continent une marge de négociation et une position renforcée, certains schémas traditionnels de puissance semblent persister.

Faire de l’Italie un hub énergétique entre l’Europe et l’Afrique

L’invasion russe en Ukraine a profondément bouleversé le système énergétique en illuminant la forte dépendance énergétique de l’Europe au gaz russe. En organisant le premier Sommet Italie-Afrique, Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement italien, n’a pas d’agenda caché. Son ambition ? Faire de l’Italie un pont énergétique entre l’Europe et l’Afrique par lequel transiteraient les ressources énergétiques africaines. C’est en tout cas le dessein du Plan Mattei, un programme d’investissements et de partenariats misant sur une intervention stratégique en Afrique pour sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne, dont le financement de 5,5 milliards d’euros repose sur des prêts du Fonds pour le climat italien et du Fonds de coopération au développement. Si une partie de ce budget concerne la question migratoire, un autre pan du Plan Mattei est destiné à la transformation énergétique de l’Italie.  

Une coopération renforcée sur la dernière décennie

La Première ministre italienne a exprimé sa volonté de mettre en œuvre une approche nouvelle et non prédatrice à l’égard de l’Afrique, ainsi qu’une collaboration égalitaire sans lutte d’influence. En effet, le dialogue politique italo-africain n’a cessé d’être renforcé au cours des dernières années : trois nouvelles ambassades ont été ouvertes depuis 2017 (Guinée, Niger, Burkina Faso), un soutien financier a été alloué au Secrétariat permanent du G5 Sahel, un centre pour le développement durable de l’Afrique a été inauguré en 2019, et une représentation permanente auprès de l’Union africaine a été installée en 2017. L’Italie, longtemps devancée par les autres puissances, impose aujourd’hui sa propre stratégie sur le continent qui trouve aujourd’hui son champ d’action : l’énergie.  

Une nouvelle géopolitique européenne de l’énergie forte d’opportunités pour l’Afrique ?

L’Italie marque sans aucun doute un tournant dans la diplomatie énergétique avec cette première édition du Sommet Italie-Afrique. Si Giorgia Meloni a montré à quel point l’Afrique était une terre d’opportunités, dont l’Europe a besoin, les bénéfices de la collaboration sont-ils vraiment réciproques ? Ce partenariat marque-t-il alors un tournant ou s’inscrit-il dans la continuité ? Il est indéniable qu’il constitue un moyen pour l’Afrique de définir ses propres priorités, et ce, indépendamment de la demande énergétique européenne. Il octroie à l’Afrique une marge de négociation élargie face à une Europe en quête de partenariats fructueux. En surface, la position de l’Afrique n’en est que renforcée. Malgré cela, si l’Italie insiste expressément sur l’aspect pionnier de sa politique extérieure, en substance, elle n’est finalement pas si innovatrice. Les Émirats arabes unis ont déjà annoncé un budget de 4,5 milliards de dollars dans les énergies propres en Afrique à l’occasion du Sommet de Nairobi pour promouvoir le potentiel énergétique africain.  L’Italie a donc bien plus à gagner de ce partenariat, extrêmement dépendante des importations à hauteur de 82%. Si la crise énergétique pousse les puissances européennes à chercher des compromis, l’Italie n’est, en ce sens, pas visionnaire. L'Allemagne, également très dépendante du gaz russe, avait déjà identifié l’Afrique comme une solution à l’indépendance énergétique européenne. Elle a d’ailleurs signé en novembre 2023 deux accords avec le Nigéria, à hauteur de 500 millions de dollars sur les énergies renouvelables et sur les exportations gazières. Toutefois, l’organisation d’un Sommet reste une première et transcende les ambitions énergétiques européennes, dont les initiatives n’ont pas atteint un tel niveau,  y compris l’Allemagne.