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Kenya : quel bilan après un an de présidence du “hustler-in-chief” ?

3 octobre 2023

Analyse

Retour sur un an de présidence de William Ruto, entre reconnaissance internationale et bilan intérieur discuté. Tombeur de Raila Odinga, le Président kényan avait fait de l’amélioration du pouvoir d’achat son principal cheval de bataille. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Que pouvons-nous attendre de la suite de son mandat ?
Le plan Bottom Up Economic Transformation Plan 2022-2027 est le cœur de la stratégie de William Ruto. Au cours des premiers mois de son mandat, le Président kényan a pu faire valider des axes essentiels de son programme comme, par exemple, la mise en place d’un fonds pour l'inclusion financière (hustler fund) ou le développement des activités portuaires de Mombasa. Ces chantiers furent adoptés grâce à une majorité parlementaire soudée. L’ambitieux président kényan a cependant dû revoir ses plans dans une conjoncture difficile, entre hausse importante de la dette publique et inflation galopante. L'absence de solutions concrètes a entraîné des protestations, offrant à l'opposition une nouvelle tribune. L'introduction de nouvelles taxes en 2023, notamment un prélèvement de 1,5 % sur les salaires et le doublement de la TVA sur les carburants, a suscité des critiques. Le hustler fund, bien que prometteur, montre des signes de faiblesse : en juin 2023, seulement 10 % des Kényans le percevaient comme une réussite, contre 30 % en mars de la même année, selon une étude de l’institut Tifa Research. Cela s’explique notamment par les défauts de paiement du fonds, qui ont atteint 20 millions de dollars en août 2023.  

Une présence internationale saluée

Sur la scène internationale, Ruto a su se distinguer. Il a questionné l'ordre économique mondial qu’il a comparé à « une autoroute à deux voies », appelant à un soutien accru aux pays africains endettés. Lors du sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, il a déclaré que l'architecture financière actuelle était « injuste et inéquitable », plaidant pour une réforme du FMI et de la Banque mondiale. William Ruto s’est également mué en champion de l’environnement. Début septembre, à quelques mois de la COP 28, lors de l’Africa Climate Summit à Nairobi, il a annoncé l’adoption de la Déclaration de Nairobi, plaidoyer collectif des dirigeants africains en faveur d’une croissance verte. Ces derniers appellent à "augmenter la capacité de production d'énergies renouvelables de l'Afrique à près de 300 gigawatts d'ici à 2030 pour lutter contre la précarité énergétique et de renforcer l'approvisionnement mondial en énergie propre et rentable". Avec près de 80 % de son énergie tirée de sources renouvelables, le Kenya a le potentiel de devenir un leader vert sur le continent. Les avancées devraient continuer, comme le montre l’investissement en juin de la société à mission française Meridiam dans le projet de parc éolien de Kipeto. Sur la scène internationale du climat, Ruto pourrait aussi profiter de la fin de la présidence d’Ali Bongo. En effet, l’ancien Président gabonais était jusque-là omniprésent sur ces sujets.  

À l’intérieur, l’urgence d’accélérer

Critiqué au plan national pour son bilan jugé décevant – seules 9 promesses de campagne ont été réalisées en un an – William Ruto devra accélérer et répondre à un certain nombre d’enjeux prioritaires pour les Kényans. Son principal chantier au cours des prochains mois sera d’apporter une réponse à la hausse du coût de la vie. Le Kenya a connu une forte vague inflationniste ces derniers mois dans une conjoncture internationale complexe. La guerre en Ukraine a eu d’énormes conséquences sur le prix des biens alimentaires (+7,5 % en un an) et des transports (+13,1 % en un an). Pour y répondre, le Président Ruto a annoncé mardi 19 septembre l’existence de discussions avec l'Ukraine pour l’établissement d’un hub céréalier au Kenya pour répondre à l’insécurité alimentaire dans le pays et la région. Face à la flambée des carburants, l’accélération de la transition énergétique dans le domaine de la mobilité est le choix retenu. Des partenariats sont signés avec des entreprises comme Uber ou Spiro pour assurer une réduction des coûts de transport et diminuer la dépendance du pays aux hydrocarbures. Le second chantier qui devrait occuper son agenda concerne la réduction de la dette, majoritairement détenue par la Chine. Avec un niveau de dette qui n’a cessé de grimper pour atteindre les 70 milliards de dollars en juin dernier, la renégociation de certains accords est à l’ordre du jour. Sur le volet fiscal, l’adoption de la nouvelle loi de finances devrait permettre au gouvernement de générer des ressources supplémentaires, réduisant ainsi le recours aux prêts auprès de bailleurs internationaux.

À propos

Kevin Nana est Consultant chez Concerto, il est spécialisé sur les questions économiques et plus particulièrement sur les secteurs des infrastructures et du transport en Afrique. Pour plus d'informations et d'analyses, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner, veuillez contacter insights@concerto-pr.com.