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Quelle nouvelle stratégie africaine pour la France ?

1 mars 2023

Analyse

Le 27 février, en amont de sa tournée en Afrique centrale, le président Emmanuel Macron a présenté la nouvelle stratégie africaine de l'Elysée intitulée “Notre futur - Le partenariat Afrique-France”. Appelant à l'abandon de l'ancien paradigme du continent africain comme terrain de compétition, le président veut instaurer une nouvelle logique : moins de sécurité, plus de partenariats économiques. Nous avons identifié trois éléments à retenir.

Une relation franco-africaine au milieu du gué : le défi du nouveau partenariat

Revenant sur l’héritage et la lourde responsabilité portés par la France, tant par son histoire coloniale que par ses récentes opérations extérieures, le président Macron a insisté sur la détermination de la France à bâtir un partenariat caractérisé par une “relation équilibrée, réciproque et responsable”. Il ne s’agit pas réellement d’un nouveau cycle, mais plutôt d’accélérer les efforts déployés par la France depuis le discours de Ouagadougou de 2017. Ces engagements, relatifs à l'éducation et à la formation professionnelle, à l’entrepreneuriat et à la construction d'un imaginaire commun, ont été repris dans le discours du chef de l'État. Le dernier engagement reste, six ans plus tard, une véritable épine dans le pied de la stratégie française en Afrique, la France restant “comptable du passé”, sans avoir encore réellement réussi à convaincre. L’Élysée s’est donc donné pour mission de combattre le récit d’une opposition entre le nord et le sud global. Ce sera le rôle des industries culturelles et créatives, qui sont essentielles pour changer le regard et la réflexion sur un patrimoine certes inhérent à chaque culture, mais aussi international.  

Transformation de la coopération militaire : moins de bases, plus d’académies

La France réoriente son offre militaire sur le continent en plaçant la formation et l’accompagnement au centre de celle-ci, notamment en matière d'équipements. Cette volonté de réduire l’empreinte militaire française et d’autonomiser les armées africaines s’inscrit dans une stratégie entamée depuis la réarticulation de l’opération Barkhane. Éviter de nouvelles vagues de dénonciation d'une présence militaire française excessive est essentiel pour l'avenir des relations entre le continent et la France. Pour autant, de nombreuses questions restent en suspens concernant la mise en pratique d’une telle politique. Des discussions avec les partenaires africains sont en cours depuis un an. Certains pays préfèrent conserver le soutien opérationnel français plutôt que d'adopter un nouveau modèle, malgré les problèmes de réputation que cette présence pourrait poser. En outre, la formation est une solution à long terme. Le retrait "visible" des troupes françaises ne devrait vraisemblablement pas se produire dans les prochains mois. La France s'appuiera également sur une stratégie européenne, adoptant de plus en plus une posture collective dans le domaine militaire. La Task Force Takuba pourrait être le modèle des opérations futures.  

Vers une intensification des relations économiques : d'une logique d'aide à une logique d'investissements solidaires et de partenariats

L'appel à un sursaut collectif des entreprises françaises présentes en Afrique est un autre élément essentiel du discours du Président français. L’argument principal présenté est le passage d’une logique d’aide à celle d’investissements et de partenariats. Le continent africain est en effet l'un des principaux récipiendaires de l'aide publique au développement (APD) française. En 2021, un tiers de l'APD était consacré au continent. Les partenariats économiques franco-africains ont eux baissé cette dernière décennie, au profit de la Chine, des États-Unis, mais aussi d’alliés plus proches comme l’Allemagne. Toutefois, grâce à sa présence de longue date, la France reste le deuxième détenteur d'actifs étrangers en Afrique, directement après le Royaume-Uni, selon le dernier rapport sur les investissements de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Pour maintenir cette place économique menacée, l'Elysée a appelé les entreprises françaises à redoubler d'efforts pour investir sur le continent, et a mis en garde celles déjà implantées pour qu'elles renforcent leurs relations solides et équitables avec leurs partenaires africains. Les nouvelles coopérations doivent s'inscrire dans une nouvelle logique de co-industrialisation et d'investissements solidaires, garants d’une responsabilité partagée.  

À propos

Carine Gazier est project consultant chez Concerto, elle est spécialisée sur les questions politico-économiques et le secteur de l'énergie en Afrique. Pour plus d'informations et d'analyses, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner, veuillez contacter insights@concerto-pr.com.