À propos
Marvin Amegashie est consultant chez Concerto. Spécialisé en stratégie de communication en ligne, il conseille les entreprises sur ces enjeux. Contactez Marvin à l'adresse
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QUICK INSIGHTS
- L'impact potentiel de l'IA sur l'emploi, la sécurité, et la souveraineté en Afrique souligne la nécessité d'une approche prudente et inclusive.
- Les stratégies nationales en matière d'IA au Maroc, en Égypte et au Bénin montrent un engagement de plus en plus fort du continent pour l'innovation technologique.
- Pour être efficace, l'IA doit être adaptée aux réalités africaines et l’adoption et l’apprentissage de cette technologie doivent être intensifiées.
Les défis et les risques : un continent à la croisée des chemins
L'Afrique est particulièrement vulnérable aux remplacements d’emplois par l’IA. Selon McKinsey, 3.3 millions d'emplois pourraient être perdus en Afrique du Sud à cause de l’IA d'ici à 2030. Ce risque est illustré par ce qu’on a observé avec des entreprises comme Téléperformance, dont les opérations en Égypte, au Nigeria et à Madagascar sont déjà menacées par l’IA. Lorsque Klarna a annoncé l'automatisation de certaines tâches via l'IA, cela a provoqué une chute de 21 % de l'action de Téléperformance, démontrant l'impact direct que l'adoption de l'IA peut avoir sur les emplois en Afrique.
La cybersécurité et la protection des données personnelles sont également des défis majeurs. En effet, l'IA reposant sur d'importantes quantités de données, augmente les risques de violation si elle n'est pas soutenue par une cybersécurité robuste. Au Kenya, des failles dans la protection des données ont exposé des millions de citoyens, soulignant la nécessité de renforcer les régulations en matière de cybersécurité.
Les infrastructures technologiques insuffisantes posent un autre défi : l'incapacité du continent à accéder à des services de cloud locaux. De nombreuses startups africaines dépendent de fournisseurs de cloud étrangers comme Amazon Web Services (AWS), entraînant des coûts élevés et limitant par conséquent leur capacité à innover. Par exemple, l'utilisation de modèles avancés d'IA, tels que le modèle Gemini de Google, requiert des infrastructures robustes et des capacités de cloud que beaucoup d'entreprises locales n'ont pas les moyens de se procurer. Cela restreint leur potentiel de développement et d'innovation.
Initiatives en plein essor : des premiers pas ambitieux
Face à ces défis, plusieurs pays africains ont lancé des stratégies ambitieuses pour développer l'IA. Par exemple, le Bénin investit 4,68 milliards de FCFA (7,15 millions d’euros) sur cinq ans pour intégrer l'IA dans la santé, l'agriculture et l'éducation. Le Maroc, en collaboration avec l’UNESCO, exploite l’IA dans l’éducation et la santé publique, avec l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) comme centre névralgique pour la recherche en IA en Afrique. Grâce à des programmes spécialisés et des partenariats internationaux, l'UM6P forme la prochaine génération de chercheurs capables de relever les défis technologiques.
En Égypte, la stratégie nationale en IA lancée en 2021, vise à atteindre les objectifs de développement durable et à renforcer la coopération régionale. Le programme African Masters in Machine Intelligence (AMMI) forme notamment des étudiants africains en IA pour relever les défis spécifiques du continent, tels que l'amélioration de la sécurité alimentaire grâce à des systèmes prédictifs pour l'agriculture et l'optimisation des services de santé à travers des outils de diagnostic basés sur l'IA.
Par ailleurs, Google collabore avec plusieurs gouvernements africains, notamment au Ghana, au Kenya et au Nigeria, pour développer des solutions d'IA qui améliorent les prévisions météorologiques et optimisent la gestion des ressources agricoles.
Vers une IA authentiquement africaine : opportunités et perspectives
Pour que l'Afrique profite pleinement de l'IA, celle-ci doit prendre en compte les réalités locales. En effet, la collecte de données par des entreprises étrangères et les biais algorithmiques peuvent aggraver les inégalités et menacer la souveraineté numérique, car ces entreprises utilisent souvent des algorithmes conçus pour des contextes différents, ce qui peut conduire à des résultats biaisés ou inadéquats pour les utilisateurs africains. C'est dans ce contexte que des initiatives comme Lelapa AI jouent un rôle essentiel. Elles développent des modèles d'IA adaptés aux langues africaines, permettant ainsi de mieux prendre en compte les réalités locales et d'offrir des solutions plus pertinentes.
Aussi, l'intensification de la formation est essentielle pour permettre aux jeunes Africains de s'approprier ces technologies. Malgré les obstacles, les développeurs locaux, souvent très jeunes, montrent que la barrière technologique peut être surmontée grâce à des initiatives adaptées. Par exemple, la Moringa School au Kenya offre des programmes intensifs de formation en développement web et ingénierie logicielle, avec une focalisation croissante sur l'intelligence artificielle.
L'intégration de l'IA dans les contextes locaux crée aussi des opportunités uniques. Nous pouvons citer Zipline qui utilise l'IA pour optimiser la livraison de fournitures médicales dans des zones reculées grâce à des drones, démontrant ainsi le potentiel transformateur de cette technologie lorsqu'elle est adaptée aux besoins du continent.
L'Afrique est à un moment décisif : elle doit adopter l'IA pour stimuler son développement tout en gérant les risques d'inégalités accrues, de perte de souveraineté numérique, et de protection des données personnelles. Pour que l'IA réalise son potentiel sur le continent, elle doit s'ancrer dans les spécificités locales et être soutenue par des stratégies solides. Ainsi, une IA 'Made in Africa' pourrait non seulement être possible, mais aussi devenir une force transformative pour le continent.