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Que peut-on attendre du gouvernement d'unité nationale d'Afrique du Sud ?

11 juillet 2024

Analyse

Le 30 juin dernier, le président Cyril Ramaphosa a nommé un gouvernement d'unité nationale après que le Congrès national africain (ANC) au pouvoir a été contraint de former un gouvernement avec d'autres partis après avoir perdu la majorité lors des élections de mai. Qui sont les principaux membres de ce nouvel exécutif, quelles seront leurs priorités et comment cela affectera-t-il les perspectives économiques et commerciales de l'Afrique du Sud ?

About

Leonard Mbulle Nziege est consultant senior chez Concerto, spécialisé en intelligence économique et financière ainsi qu'en risques politiques en Afrique. Contactez Leonard à l'adresse lnm@concerto-pr.com pour plus d'informations sur le sujet ou pour savoir comment Concerto peut vous aider.
QUICK INSIGHTS
  • Malgré l’obtention de seulement 40 % des voix au niveau national, l'ANC a conservé la vice-présidence et le contrôle des portefeuilles ministériels les plus stratégiques.
  • Bien que les partis d'opposition soient bien représentés dans le gouvernement d'union nationale (GNU), ils se sont vus attribuer en grande partie des postes secondaires.
  • Étant le plus grand parti au sein du GNU, l'ANC assurera la continuité des politiques en place ; toutefois, des désaccords avec les partis d'opposition pourraient surgir.

L'ANC maintient une influence importante malgré la mise en place du GNU

Les négociations qui ont abouti à l'annonce, le 30 juin, du gouvernement d'unité nationale (GNU) ont accusé un retard en raison de l'adhésion de nouveaux partis à l'architecture du GNU et des désaccords relatifs à l'attribution des postes ministériel entre le Congrès national africain  et le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA). En fin de compte, 8 des 11 membres du GNU ont été inclus dans l'exécutif, qui compte au total 76 membres (32 ministres et 44 vice-ministres). L'ANC s'est ainsi vu attribuer 22 postes ministériels, conservant la vice-présidence et le contrôle des portefeuilles de l'économie et de la sécurité : défense, finances, ressources minérales, police, commerce et investissement. Il a également conservé la santé, l'enseignement supérieur, la coopération internationale et la justice, au cœur du programme de l'ANC. Le président Ramaphosa n'a pas reconduit d’anciens  membres de son cabinet, tels que Bheki Cele, Lindiwe Zulu et Thulas Nxesi, tandis qu'Ebrahim Patel, Naledi Pandor, Nkosanzana-Dlamini Zuma et Pravin Gordhan qui se sont respectivement retirés de la vie politique. Néanmoins, les alliés du président Ramaphosa, dont Angie Motshekga, Senzo Mchunu, Gwede Mantashe, Ronald Lamola et Khumbudzo Ntshaveni, font partie d'une poignée de membres du cabinet qui ont repris leurs fonctions. Ces personnalités joueront un rôle central dans la mise en œuvre du programme politique du président Ramaphosa, qui profitera de l'absence de fidèles de l'ancien président Jacob Zuma au sein de son cabinet.  

Les partis d'opposition se sont principalement vu attribuer des postes ministériels moins stratégiques

L'Alliance Démocratique (DA) a obtenu six postes au sein du cabinet, avec son chef de file, John Steehuisen, nommé à l'agriculture, tandis que les autres nominations du DA concernaient l'éducation primaire, la communication, l'environnement et les affaires intérieures. Le DA avait initialement demandé 12 postes, notamment ceux de l'électricité, de la présidence, du commerce et de l'investissement. Mais l’ANC et ses partenaires de l'alliance se sont opposés à ce qu’il obtienne des portefeuilles économiques, craignant que le parti ne modifie ou retire les politiques telles que l'Empowerment Économique des Noirs (BBBEE), qui vise à augmenter la participation des noirs aux activités économiques. Cependant, le DA s'est vu accorder plusieurs postes de vice-ministres, y compris aux finances, en guise de compromis. Le deuxième plus grand parti d'opposition de l'unité nationale, l'Inkatha Freedom Party (IFP), a reçu la gestion des ministères de la gouvernance coopérative et de la fonction publique. Le Freedom Front Plus (FF+), le Congrès Pan Africain (PAC) et l'Alliance Patriotique ont chacun obtenu un poste unique, à savoir les services correctionnels, la réforme agraire et les départements des sports, des arts et de la culture. Les partis United Democratic Movement et Al Jama'ah se sont vu attribuer des postes de vice-ministre. Ces nominations soulignent le caractère inclusif du GNU, mais visent également à empêcher ses membres d'acquérir trop d'influence.  

La continuité des politiques sera maintenue, bien que des différends potentiels puissent survenir entre les membres du GNU

Malgré l’obtention de seulement 40,6 % des voix, l'ANC a surpris en faisant suffisamment de concessions aux partis du GNU tout en maintenant son emprise.  Cela permet au président Ramaphosa de poursuivre son programme, le renforcement des capacités institutionnelles de l'État, la restructuration des entreprises publiques et l'amélioration de la prestation des services publics. Le transfert des prérogatives du ministère des entreprises publiques au bureau de la présidence et la fusion des portefeuilles de l'énergie et de l'électricité contriburont à cet effort. C’est également l’objectif fixé par l’opération Vulindela, une initiative orientée vers les entreprises et les réformes économiques comme par exemple l'amélioration de la production d'électricité et la facilitation des investissements étrangers. En ce qui concerne la politique économique, le ministre des finances sortant, Enoch Godongwana, maintiendra l'application des mesures de consolidation fiscale. À l'exception de l'Al Jama'ah et du PAC, les membres du GNU ont des programmes favorables aux entreprises, en particulier les trois principaux partis, l'ANC, la DA et l'IFP. À cet égard, ils proposeront des mesures qui stimuleront l'investissement, la croissance, le développement des infrastructures, l'emploi et la protection des droits de propriété. La mise en œuvre de la Loi sur l'Assurance Maladie Nationale (que seuls quatre membres du GNU soutiennent), vise à fournir des soins de santé universels tout en améliorant la qualité et l'accès à l'éducation et en maintenant le programme de protection sociale de l'État, sera une priorité pour l'agenda social du gouvernement. Les partis d'opposition s’aligneront largement sur ces aspects ; cependant, en ce qui concerne le DA, il est probable que des désaccords émergeront avec l'ANC si ce dernier tente de mettre en œuvre des politiques partisanes plutôt que des décisions prises par le cabinet.