Lutte contre la corruption et gestion des finances publiques
La lutte contre la corruption est l'un des chevaux de bataille du gouvernement de transition depuis son arrivée au pouvoir. Dans une logique de rupture avec les faiblesses institutionnelles de l'ancien régime, l’exécutif a créé en décembre 2021 la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Certains voient cependant dans cet organe de justice pénale un outil de chasse aux sorcières. En effet, depuis sa création, plusieurs arrestations d'anciens cadres et hauts fonctionnaires du régime Alpha Condé soupçonnés d'avoir participé à des malversations financières ont eu lieu. Pour autant, ils ne sont pas les seuls à avoir été appréhendés. Quelques semaines après l'arrivée au pouvoir de Doumbouya, la découverte de nombreuses poches de dépenses fictives dans la loi de finances 2021 a été rendue publique ainsi qu’un arriéré d'un montant de 470 millions d'euros. Depuis, le gouvernement a annoncé avoir commencé à rembourser ces derniers dans l’optique de réduire la dette publique du pays qui affiche une baisse de 180 millions de dollars entre le premier et le deuxième trimestre 2022. Des discussions sont par ailleurs en cours avec certains bailleurs de fonds. À la suite d'une visite en juin 2022, le FMI avait salué la résilience de l'économie du pays. Deux mois plus tard, le gouvernement obtenait un financement de 520 millions de dollars de la Banque mondiale pour renforcer son économie.
Rendre à la Guinée sa souveraineté minière
Au lendemain du coup d'État, le secteur minier a été identifié par la transition comme le secteur prioritaire de l’économie. Le gouvernement a commencé par reprendre le contrôle du secteur. En novembre 2021, la Soguipami (entreprise publique gérant les parts de l’État dans les mines) et l’agence nationale d’aménagement des infrastructures minières (ANAIM) ont été placées sous la tutelle de la présidence. Dans l’optique de développer un secteur “répondant aux intérêts des Guinéens” - véritable crédo de Doumbouya - le gouvernement a insisté sur le renforcement de la transparence, avec le durcissement des mécanismes de contrôle quantitatif et qualitatif des ressources exportées par les sociétés minières, et la promotion du contenu local. En septembre 2022, une loi sur le contenu local a été adoptée. Le gouvernement a également entrepris de développer la création de chaînes de valeur dans ce secteur en exigeant des entreprises étrangères qu'elles construisent des usines de traitement et de raffinage des minéraux extraits. Ces demandes sont pour la plupart le résultat de longues et âpres négociations entre le gouvernement et les opérateurs miniers. D’autres demandes majeures concernent l'augmentation des redevances, l'amélioration des conditions de travail et de la protection de l'environnement et, dans certains cas spécifiques, l'augmentation et le respect des droits de coactionnaire de l’État.
Popularité de la transition auprès de la population et perception du secteur privé
D’après le dernier sondage de l’institut Afrobarometer en Guinée, datant d’août 2022, 46,4 % des Guinéens font confiance au président de la Transition (dont 31,9 % “beaucoup confiance” et 14,5 % partiellement), une côte en légère baisse depuis son arrivée au pouvoir, qui peut s’expliquer notamment par la durée de la transition et par la répression des manifestations. Cependant, les Guinéens semblent avoir confiance dans la transition en ce qui concerne les réformes entreprises. Par exemple, 52 % des Guinéens estiment que le gouvernement actuel fait du bon travail dans la lutte contre la corruption dans l'administration publique. En outre, les guinéens sont relativement optimistes quant à l'avenir économique du pays : 48,1 % de la population s'attend à ce que les conditions économiques soient meilleures dans 12 mois (contre 31 % pires). L'opinion publique locale et le secteur privé s'accordent également à dire que les réformes et les décisions tous azimuts sont beaucoup plus rapides sous le gouvernement actuel que sous le précédent.
Quelles perspectives ?
Malgré les efforts entrepris sur le plan économique, la situation politique de la Guinée reste incertaine. Bien que le président de transition et son gouvernement se soient engagés à démissionner "d'ici à la fin de 2024" et “à ne pas faire partie de l’après-transition”, de nombreuses incertitudes demeurent. Le chronogramme décidé par la CEDEAO (communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et le gouvernement de transition est scruté de très près par les observateurs internationaux et la société civile guinéenne. En outre, bien que pacifiques et fluides jusqu'à présent, les négociations entre l’opposition et le gouvernement pourraient s’intensifier à mesure que l'échéance approche. Enfin, sur le plan socio-économique, les décisions du gouvernement de transition seront passées au crible. Au centre des préoccupations majeures, le coût de la vie et le chômage. Le gouvernement devra également veiller à ce que l’accès et la qualité des services publics soient améliorés. Ces derniers mois, les problèmes d’accès à l'électricité, en particulier, ont été à l’origine de plusieurs manifestations dans les centres urbains.
À propos
Carine Gazier est project consultant chez Concerto, elle est spécialisée sur les questions politico-économiques et le secteur de l'énergie en Afrique.
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