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Afrique du Sud : Les défis de l’ANC à la veille de la conférence élective

15 décembre 2022

Analyse

L’ANC s’apprête à tenir sa très attendue conférence élective dans un contexte de guerre des factions et d’affaires successives qui ont terni l’image du parti et la crédibilité de son leader, le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Sauvé in extremis de la démission par ses conseillers suite à un rapport parlementaire l’incriminant dans l’affaire du “farmsgate”, Ramaphosa va affronter demain le candidat du clan Zuma et ancien ministre de la santé, Zweli Mkhize. L’enjeu est de taille pour l’avenir de l’ANC, alors que l’opposition continue de gagner du terrain et réclame des élections anticipées.

L’épisode du “farmsgate”

En février 2020, une somme d'argent estimée entre 580 000 et 4 millions de dollars a été volée dans la ferme Phala Phala du président Ramaphosa, sans que celui-ci signale le vol à la police, laissant planer une incertitude tant sur la légalité de l'argent que sur les mesures qu'il a pu entreprendre par la suite. En juin 2022, l'ancien chef des services d'espionnage Arthur Fraser, proche de l'ancien président Zuma, dépose une plainte auprès des services de police accusant Ramaphosa de corruption, d'enlèvement et de dissimulation auprès du fisc. La plainte de Fraser a conduit à plusieurs initiatives judiciaires, dont un rapport parlementaire issu d’une demande d'enquête au titre de l'article 89 déposée le 14 juin par le Mouvement pour la transformation de l'Afrique (ATM), proche de Zuma. Le 13 décembre, le parlement sud-africain s’est opposé à l’adoption du rapport accusant le président de violation de la Constitution avec une majorité de 214 voix (contre 148 voix pour). Seuls quatre députés de l’ANC ont voté pour l’adoption du rapport. Pour autant, si Ramaphosa échappe à la destitution, son maintien à la tête du parti n’est pas encore assuré. La nature publique du vote parlementaire et son importance pour le maintien de la crédibilité du parti masquent des divisions profondes au sein même du camp Ramaphosa, qui pourraient toutefois se refléter dans les résultats du vote lors de la conférence élective du parti, prévue du 16 au 20 décembre.  

Dynamiques au sein de l’ANC

Le “farmsgate” ne fait que renforcer la guerre des factions à laquelle l'ANC est confronté depuis près d’une décennie. Le clivage entre les camps de Zuma et Ramaphosa va intensifier la fragmentation du parti présidentiel et fragiliser le mandat du Président Ramaphosa. Depuis le début du scandale, et plus encore avec la publication du rapport, des membres de l'ANC ont appelé le président à démissionner. Parmi eux, des membres du gouvernement, dont Lindiwe Sisulu, ministre du tourisme, et Nkosazana Dlamini-Zuma, ministre de la gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles. Des proches de Zuma tel que l’ancien ministre de la santé Zweli Mkhize ont rejoint les appels à la démission. Alors que l'ANC s'apprête à tenir sa conférence élective, le paysage politique reste très confus, entre les mésalliances qui s'opèrent et les ambitions politiques opportunistes de certains membres du parti. Parmi eux, le secrétaire général de l’ANC Paul Mashatile se préparerait en coulisses à remplacer Ramaphosa. Il dispose de soutiens importants dans cette branche de l'ANC. C'est en outre ce dernier qui a annoncé le soutien unanime du Comité exécutif national (NEC) de l'ANC au président à l'issue d'une réunion tenue le 5 décembre. Ce soutien ne pourrait être que superficiel, afin de permettre au parti de maintenir un front uni face aux attaques de l'opposition.  

Quelles perspectives ?

En amont de la conférence élective, les luttes intestines au sein de l'ANC vont devenir plus virulentes. Le clan Zuma devrait fortement se mobiliser dans les prochains jours pour assurer la victoire de son candidat Zweli Mkhizes. En dépit du “farmsgate”, les observateurs estiment qu'une victoire de Ramaphosa est encore possible. Sa faction le poussera au sommet du parti, mais préparera son remplacement pour 2024. Profitant de ce chaos général, la principale opposition, l'Alliance démocratique (Democratic Alliance), appelle à des élections anticipées. D'autres partis d'opposition, bien que plus petits, pourraient également profiter du scandale pour reconquérir les partisans désabusés de l'ANC. Il s'agit notamment des partis Economic Freedom Fighters (EFF) et Zulu Inkatha Freedom Party (IFP) qui n'ont cessé de croître ces dernières années et ont obtenu de bons résultats lors des élections municipales de 2021. Élections pendant lesquelles l’ANC s’est retrouvé en coalition ou minoritaire, dans près d'un tiers des villes. À l’image de ces élections, le scénario le plus redouté par l'ANC est celui d'un gouvernement de coalition pour 2024.  

À propos

Carine Gazier est project consultant chez Concerto, elle est spécialisée sur les questions politico-économiques et le secteur de l'énergie en Afrique. Pour plus d'informations et d'analyses, ou pour mieux comprendre comment Concerto peut vous accompagner, veuillez contacter insights@concerto-pr.com.